Consommation de logement, parcours résidentiels et accession à la propriété en Île-de-France : une approche par la modélisation.
Résumé : Cette thèse vise à mieux comprendre le fonctionnement du marché du logement à travers l’étude des trajectoires résidentielles et des arbitrages économiques des ménages en Île-de-France. Nous cherchons à analyser la consommation de service logement et le choix du statut d’occupation, et comment ceux-ci évoluent en fonction de la situation démographique (avancée dans le cycle de vie, génération) et économique (revenu, niveau des prix) du ménage. Ce double prisme d’étude – démographique et économique – nous amène à développer une analyse sur le temps long, de 30 à 50 ans selon les données disponibles. Au-delà de révéler tant les effets liés au cycle de vie que les évolutions intergénérationnelles, cette perspective de long terme permet d’étudier si les deux dernières décennies, marquées par une forte hausse des prix immobiliers en Île-de-France, marquent une rupture dans les choix résidentiels des ménages. Le premier chapitre mobilise les données du recensement pour analyser les parcours résidentiels des Franciliens en mettant en regard les évolutions de la démographie des ménages et des logements sur un demi-siècle, et les appariements qui en résultent. Les résultats décrivent une forte progression du confort surfacique – résultante d’un effet de ciseau entre baisse de la taille des ménages et hausse de la taille des logements – et de l’accès à la propriété dans un premier temps, suivie d’une stabilisation des trajectoires résidentielles pour les générations récentes. Partant du constat d’une augmentation continue du confort surfacique depuis cinq décennies, le deuxième chapitre cherche à mesurer si cette hausse a permis une réduction des inégalités des conditions de logement. Nos résultats montrent au contraire que les inégalités de confort surfacique augmentent de manière générale, tandis que les écarts entre professions et catégories socioprofessionnelles demeurent eux stables. Les générations récentes semblent par ailleurs moins avantagées que la génération du baby-boom relativement aux conditions moyennes de confort auxquelles chacune a fait face. Afin d’éclairer ces trajectoires résidentielles à l’aune des conditions de marché et des arbitrages économiques des ménages qui en résultent, le chapitre trois aborde la mesure du coût du logement selon les différents statuts d’occupation, en particulier pour la propriété occupante à travers la notion de coût d’usage. Il mobilise ensuite les enquêtes Logement pour décrire les évolutions des coûts du logement dans le parc privé et les dépenses des ménages franciliens depuis le début des années 1970. Enfin, le dernier chapitre étudie les arbitrages des ménages locataires du parc privé, et notamment si ceux-ci ont évolué face à la forte hausse des prix des années 2000, en mobilisant un modèle économétrique sur la période 1980-2013. Les résultats indiquent sur la période récente une hausse du taux d’effort des accédants, une baisse de la demande de service logement et un recul de la primo-accession. Pris dans leur ensemble, les résultats de la thèse décrivent un modèle résidentiel français très inertiel, fondé sur l’accès au cours du cycle de vie à de grands logements en propriété occupante. Le modèle esquissé ici est mis sous tension par le caractère ségrégatif de l’accession à la propriété et la progression des coûts du logement, qui fragilisent les parcours résidentiels ascendants des générations récentes.
Housing consumption, housing careers and home-ownership in Paris Region, a modeling approach.
Abstract : This thesis aims to better understand the functioning of the housing market through the study of residential trajectories and the economic trade-offs of households in the Paris Region (Île-de-France). We seek to analyse the consumption of housing services and the choice of occupancy status, and how these evolve according to the demographic (progress through the life cycle, generation) and economic (income, price level) situations of the household. This double prism of study – demographic and economic – leads us to develop an analysis over a long period of time, from 30 to 50 years depending on the available data. Beyond revealing both life-cycle effects and intergenerational changes, this long-term perspective allows us to understand if the last two decades, which have seen a sharp rise in property prices in the Paris Region, have marked a break in households’ residential choices. The first chapter uses census data to analyse the residential pathways of Île-de-France residents by comparing changes in household and housing demographics over half a century and the resulting matches. The results describe a strong increase in surface comforts – resulting from a scissor effect between a decline in household size and an increase in housing size – and in home ownership, followed by a stabilisation of residential trajectories for recent generations. Based on the observation of a continuous increase in surface comfort over the last five decades, the second chapter seeks to measure whether this increase has led to a reduction in inequalities in housing conditions. On the contrary, our results show that inequalities in surface comfort are generally increasing, while the gaps between occupations and socio-professional categories remain stable. Recent generations also seem to be less advantaged than baby boomers in regards to average comfort conditions experienced. In order to explain these residential trajectories in the light of market conditions and the resulting economic trade-offs of households, chapter three discusses the measurement of housing costs according to the different occupancy statuses, in particular for owner-occupied housing through the notion of user cost. It then uses housing surveys to describe changes in housing costs in the private housing stock and the expenditure of households in the Paris Region since the early 1970s. Finally, the last chapter examines the trade-offs made by private rented sector households, and in particular whether these have changed when confronted with the sharp rise in prices in the 2000s, using an econometric model over the period 1980-2013. The results indicate an increase in the effort rate of first-time buyers, a fall in the demand for housing services and a decline in first-time buyers over the recent period. Taken as a whole, the results of the thesis describe a very inertial French residential model, based on accessing large owner-occupied dwellings through the life cycle. The model set out here is put under pressure by the segregative nature of home ownership and the rising housing costs, which undermine the upward residential pathways of recent generations.