Rapport final du projet DGITM « Diffusion des véhicules autonomes et modes de vie » (Le Gallic et Aguiléra, octobre 2019)
Participants du LVMT :
- Responsables scientifiques :
Anne Aguiléra
- Equipe :
Thomas LE GALLIC
Axes de recherche du LVMT :
Axe 1 « Pratiques et représentations »
Début : 05/2018
- Fin : 07/2019
Financements publics et / ou privés (hors appel à projet)
Rapport final du projet DGITM « Diffusion des véhicules autonomes et modes de vie » (Le Gallic et Aguiléra, octobre 2019)
Le projet
Objectifs scientifiques:
L’objectif de cette recherche, financée par la DGITM dans le cadre des réflexions sur la « Vie Robomobile », était d’agréger les connaissances disponibles afin de discuter de la nature et de l’ampleur des transformations des modes de vie dont le véhicule autonome pourrait être le moteur. Ce travail de constitution et d’analyse d’un corpus comptant un peu plus d’une centaine de références internationales nous a conduit à identifier trois grandes trajectoires de déploiement du véhicule autonome qui apparaissent comme structurantes pour les changements de modes de vie.
Résumé du Projet: Français (abstract in english follows)
Après une période où la recherche a surtout traité de l’autonomisation progressive des véhicules du point de vue des défis technologiques à relever par les constructeurs et les concepteurs d’infrastructures, et de ceux liés à la reprise en main par le conducteur (niveaux d’autonomisation 1 à 4), la perspective de véhicules complètement autonomes (niveau 5) incite progressivement les sciences humaines et sociales, et en particulier la socio-économie des transports, à investiguer la problématique des effets sur les pratiques de mobilité des individus, dans leurs nombreuses dimensions : partage entre les différents modes de transport, distances parcourues, temps passé en déplacement, nombre de déplacements effectués quotidiennement et à longue distance, taux de remplissage des véhicules, congestion des réseaux, etc.
Le sujet est complexe car il ne s’agit pas seulement de penser les changements de mobilité en imaginant de nouveaux systèmes de transport à même de mieux satisfaire les pratiques actuelles, mais bien d’envisager que ces pratiques elles-mêmes (autrement dit nos « besoins » de mobilité) pourraient être transformées du fait d’évolutions touchant, plus largement, nos modes de vie : choix de localisation résidentielle, organisation des activités, conditions d’accessibilité aux emplois, commerces et services, etc. Par ailleurs, personne n’a encore véritablement une idée précise de ce que seront les véhicules autonomes, en particulier quels seront leurs modèles économiques, s’ils seront plutôt individuels ou plutôt partagés, quels constructeurs et opérateurs les proposeront, ou encore comment ils seront articulés avec les systèmes actuels de transport publics et les services de mobilité partagée (autopartage, covoiturage, VTC, etc.).
Comme d’autres technologies émergentes, la perspective de diffusion de véhicules sans chauffeurs a d’abord suscité un certain enthousiasme, soutenu par les potentiels bénéfices dont elle pouvait être porteuse en termes de réduction de la congestion, de sécurité, de confort ou encore de libération d’espace public. Cet enthousiasme a toutefois rapidement cédé la place aux questionnements sur les enjeux que leur diffusion soulève et aux incertitudes sur les modalités de déploiement. La naissance de ces questionnements a incité la communauté scientifique en sciences humaines et sociales à s’emparer du sujet, permettant de nourrir un regard critique lié aux usages de la technologie.
Ce rapport présente les premiers enseignements d’une revue des travaux de ce type qui éclaire la question des conséquences possibles de la diffusion des véhicules autonomes sur nos futurs modes de vie. Il identifie les méthodes mises en œuvre pour traiter des conséquences de l’arrivée de véhicules (complètement) autonomes sur les modes de vie et les pratiques de mobilité, et en présente les principaux résultats
Il en ressort que plusieurs familles de méthodes ont jusqu’à présent été mobilisées par les sciences humaines et sociales afin de tenter d’anticiper les conséquences directes, indirectes et les effets rétroactifs possibles de la diffusion de cette technologie. Les travaux recensés nous renseignent principalement sur de possibles conséquences sur les pratiques de mobilité (nombre de déplacements, distance, modes de transport), la localisation des ménages et les modalités de substitution des véhicules personnels par des flottes de véhicules autonomes offrant un service de transport à la demande.
Les résultats obtenus frappent par leur grande variabilité et leur forte sensibilité à certaines hypothèses. Au fond, plus que lever des incertitudes, ces travaux donnent une idée de l’étendue du champ des possibles liés au déploiement des véhicules autonomes. La conclusion de Wadud et alii (2016) illustre assez bien cette étendue : l’intégration des véhicules autonomes au système de transport pourrait selon leur étude réduire de moitié ou au contraire doubler les émissions de gaz à effet de serre liées à la mobilité des individus (ces émissions constituant ici une forme d’indicateur agrégé des changements en termes de mobilité). Ainsi, l’assertion selon laquelle les modalités de déploiement sont la clé de la contribution de cette technologie à l’intérêt général est étayée par des ordres de grandeur, des simulations de scénarios.
Cette recherche permet de mettre à jour la très grande diversité des futurs possibles de la « robomobilité », dont la conformité aux objectifs du développement durable dépendra surtout des choix politiques établis par les acteurs nationaux et locaux du transport et de l’aménagement.
Abstract in english
This research, funded by DGITM (MTES), proposes a literature review on the publications (mainly research articles) that dealt with the possible consequences of a large deployment of fully autonomous vehicules (AV) on travel behaviour in the past 5 years. We identified 116 publications by using a list of keywords. The number of relevant publications increased regularly in the last years, demonstrating a growing interest in the topic.
We identified three main scenarios in the current literature. The first scenario, where AV are mainly privaletly owned, is considered in more than half of the articles. In the second scenario most of households do not own a car anymore and most of them use an autonomous mobility on demand shuttle service (like robotaxis). In the third scenario, autonomous technologies are used to challenge the automotive system. Most of households do not own any car, autonomous shuttles are deployed to complement high-capacity public transport, a significant amount of public space is saved and reallocated to active modes and to improving quality of life in dense areas. Hence we named it the « transit-oriented autonomous shuttles » scenario. It is mostly considered by European authors. The three scenarios are unevenly considered by the authors. And the scenario most often studied is the first one where the authors consider that the most private cars have been replaced by private autonomous cars.
The consequences of the first scenario should primarily be an increase in car use and travel distances due to a significant decrease in public transport use (because the car should become even more attractive), more urban sprawl and also due to new trips by car especially by people with no driving licenses. Car ownership could decrease if households decided to share a car instead of owning two or more.
In the second scenario, (small) autonomous shuttles are in competition with public transport, especially buses. Car ownership decreases but not the number of car trips and distances travelled by car, both for daily and long-distance trips. Urban sprawl could be reduced because dense areas could become more attractive due to better tra,nsport services and better quality of life (less cars and then more walkable areas).
Finally, in the third and last scenario car ownership and use are considerably reduced due to restictions on car use and also due to also due to a better attractiveness of public transport thanks to autonomous shuttle services which provide a good transport service for the last miles. In addition, dense urban areas become more attractive which reduces urban sprawl.
In conclusion, it can be said that the future of lifestyles and travel behaviours in autonomous transport system is highly uncertain. It depends on the stratégies of private and public, national and local stakeholders, but also on many other parameters that are difficult to consider together, especially because they have many interactions. Another finding is that it seems to us that the researchers are more pessimistic about the possible benefits of autonomous vehicles for travel behavoiur, especially regarding car use and congestion, than a few years ago.
Many questions remain unanswered, and future research should better analyze the impacts on everyday activities and long-distance travel. It should also question the cohabitation of scenarios or how to move from one to the other, as a few papers already do.