L’Euro 2016 de football, qui se déroulait au moment de l’écriture de ce document, apparaissant comme une vraie problématique de ville, de mobilité et de transport, il semblait logique de définir dans ce cadre ce qui en constitue l’essence. L’occasion aussi de faire état ici du séminaire interaxes permanent qui est organisé chaque vendredi midi depuis environ 10 ans. Bien sûr tout le monde ne fait pas du football : il faudrait décliner ce concept sous l’angle de toutes les passions des chercheurs / chercheuses du laboratoire !
Football par quelqu’un de passionné – Emre Korsu
Le football est un sport à base de mobilité. Si vous êtes immobile sur le terrain, vous ne pouvez pas gagner le match – sauf peut-être contre le Latts. Le football, c’est un sport de mobilité douce. Quand vous débordez votre adversaire, vous ne pouvez pas emprunter les transports motorisés, c’est non-réglementaire. Pourtant, d’un joueur qui court vite, on dit : « il a pris la mobylette ». Le langage footballier est riche en métaphores transports. Quand un joueur n’arrive pas à accélérer, on dit qu’« il a mis la remorque » et on rigole. Le joueur explosif, on le compare à un « dragster », à un « Formule 1 » ou au TGV. La vitesse est fondamentale dans le football. Les meilleurs joueurs sont ceux qui vont le plus vite. Le contraire n’est pas proportionnellement vrai en toute circonstance sauf dans des conditions exceptionnelles. Il y a aussi du transport de marchandises en football. En règle générale, c’est le joueur le moins doué qui porte les chasubles et les ballons. Au LVMT, par exemple, c’est… Le football participe de la société hypermobile. Comme l’a écrit récemment un sociologue : «Aujourd’hui, la grande mobilité glamour et médiatique des joueurs de football est mise en évidence lors de leur départ pour le Brésil à l’occasion de la Coupe du Monde ». Plus je relis cette phrase, plus je la trouve intelligente. Il existe de grands scientifiques passionnés de football, comme par exemple Albert Camus. Il existe aussi des petits scientifiques passionnés de football. Ils sont même plus nombreux mais c’est peut-être parce que les petits scientifiques sont plus nombreux que les grands scientifiques. Il y a aussi des petits scientifiques qui n’aiment pas le football. Ceux-là, en général, ce sont les plus médiocres. On les reconnait au temps qu’ils passent à définir des mots et à raconter des sottises. Pour conclure, le football est ami de la science de la mobilité. Les études montrent que toutes choses égales par ailleurs, plus on court derrière un ballon, plus on publie des papiers d’excellence dans des revues d’excellence. « Anima sana in corpore sano » comme on disait du temps d’Homère – qui adorait le football, paraît-il, et supportait les deux Ajax.
Football – par quelqu’un de pas du tout passionné – Maylis Poirel.
Le football est un sport de balle selon lequel deux équipes évoluent sur un terrain délimité, en se passant un ballon dans l’objectif de l’envoyer dans des buts prévus à cet effet. En plus des joueurs, un arbitre est présent sur le terrain, et bien souvent, des individus, constituant le public, sont situés autour du terrain dans des gradins. Nous proposons ici une définition originale du football par ses acteurs – footballeurs, arbitre et public-, en établissant un parallèle avec les recherches épistémologiques portant sur la figure du chercheur en sciences sociales. En effet, il nous apparaît qu’un certain nombre des caractéristiques attribuées au chercheur se rapprochent de celles que l’on peut constater chez les acteurs du football. En premier lieu, les recherches en épistémologie montrent que l’activité du chercheur en sciences sociales est caractérisée par sa présence sur le terrain, et que cette présence n’est profitable que si le chercheur a des buts bien définis. De plus, s’il veut faire un carton, le chercheur doit être prêt à mouiller son maillot et à ajuster le tir en permanence, ce qui demande de l’entraînement pour mener à bien ce projet de longue haleine. En ce sens, l’activité du chercheur est proche de celle du footballeur. Mais on peut étendre la comparaison aux autres acteurs du football que sont l’arbitre et le public. En effet, le chercheur observe en même temps qu’il participe à l’action en train de se dérouler. Dans cette activité d’observation, il lui est nécessaire de faire preuve de neutralité et d’objectivité, mais également d’adopter une posture empathique vis-à-vis des individus auxquels il s’intéresse, ce qui le rapproche à la fois des figures de l’arbitre et du public. Finalement, on constate que le chercheur jongle entre ces trois figures que sont le footballeur, l’arbitre et le public, jeu d’équilibre pour lequel il doit être à l’aise dans ses baskets. Dans le cas d’une observation participante par exemple, il n’hésitera pas à saisir la balle au bond en intervenant dans le cours de l’action, si cela lui permet de recueillir des informations auprès des enquêtés ; mais il se gardera d’intervenir s’il juge que la balle est dans leur camp. Ainsi, entre intervention et observation, entre objectivité et empathie, on peut dire que le chercheur est à la fois footballeur, public et arbitre.