Chrono-urbanisme

Rythmes et Modes de vie
Auteur : Emmanuel MUNCH

Le chrono-urbanisme est une sous-branche de l’urbanisme, inventée par François Ascher (1997). Pour en comprendre le sens dans son acception la plus large possible, référons-nous à la définition de l’urbanisme telle que proposée par Pierre Merlin dans l’Urbanisme (2022, p.4) et remplaçons le mot « espace » par « temps » :  

 

« le [chrono-]urbanisme vise à créer une disposition ordonnée de l’espace [des temps] en recherchant harmonie, bien-être et économie »1. 

 

A l’époque (et c’est sans doute encore le cas aujourd’hui), le chrono-urbanisme correspondait à une nouvelle conception de l’urbanisme qui invitait à intégrer la dimension temporelle dans l’aménagement urbain.  

 

« La ville est combinaison de lieux, de mouvements et de temps. Concevoir, réaliser et gérer les villes exige donc la prise en compte simultanée du cadre bâti, des flux et des emplois du temps. La répartition des activités sur les territoires urbains, la conception, la localisation et le fonctionnement des équipements, l’invention et la réalisation des espaces publics doivent prendre en compte le fonctionnement de la ville à toutes les heures des jours et des nuits, et rendre compatible spatialement la diversité des pratiques temporelles » (Ascher, 1997, p.121). 

 

En tant que sous-branche affiliée à l’urbanisme, elle a une visée normative et orientée vers l’action locale. C’est-à-dire que par opposition aux autres disciplines des sciences sociales, elle est tournée vers le monde opérationnel de la fabrique des [temps des] villes. Alors qu’on attend plutôt des sciences sociales et des sciences en général, une vision positiviste, Le chrono-urbanisme défend nécessairement une vision normative de ce qui correspond à l’harmonie, au bien-être et à l’économie. Il résonne avec les politiques temporelles2 (au sein des Bureaux des Temps en France) qui promeuvent l’articulation et l’harmonisation des rythmes des différentes activités présentes sur le territoire : horaires de travail, des transports, des services publics… Et cela en lien avec leur localisation. 

 

En ce sens, le chrono-urbanisme se distingue des autres disciplines traitant des rythmes urbains et qui sont davantage tournées vers l’analyse théorique et descriptives de ces derniers : la Time-Geography  (Hägerstrand, 1970), les modèles de Scheduling Preferences (Small, 1982), la Rythmanalyse (Lefebvre & Régulier, 1986), l’analyse chronotopique (Bonfiglioli, 1999), ou encore la Rythmologie (Drevon, 2019). Depuis la création du LVMT, on peut mentionner quelques thèses ayant initié au laboratoire une hybridation de cadres théoriques pour traiter des rythmes urbains. La thèse de Benjamin Pradel (2010), à mi-chemin entre la Rythmanalyse et le Chrono-urbanisme, la thèse de Baptiste Pourtau (2021) entre la Time-Geography et l’analyse chronotopique, la thèse de François Adoue (Adoue, 2016) à cheval entre la Time-Geography et les Scheduling Preferences au sens de la littérature en Economie sur le temps, les positionnements de Julie Chrétien (2017) et d’Emmanuel Munch (2017) faisant principalement dialoguer Sociologie du Temps, Géographie du Temps et Chrono-Urbanisme et enfin de récentes collaborations entre chercheurs du laboratoire qui de par l’origine disciplinaires des différents auteurs conduit à un panachage des théories rythmiques (Coulombel et al., 2023). 

 

Références:

– Adoue, F. (2016). La mobilité connectée au quotidien : Les usages du smartphone dans les transports en commun franciliens [These de doctorat, Paris Est]. https://www.theses.fr/2016PESC1170 

– Ascher, F. (1997). Du vivre en juste à temps au chrono-urbanisme. Les Annales de la Recherche Urbaine, 77(1), 112‑122. https://doi.org/10.3406/aru.1997.2145 

– Chrétien, J. (2017). Rôle de la mobilité dans la maîtrise d’un quotidien complexe [Phdthesis, Université Paris-Est]. https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01619844 

– Coulombel, N., Munch, E., & Pivano, C. (2023). Travel demand management : The solution to public transit congestion? An ex-ante evaluation of staggered work hours schemes for the Paris region. Transport Policy, 137, 48‑66. https://doi.org/10.1016/j.tranpol.2023.04.004 

– Drevon, G. S. J. (2019). Proposition pour une rythmologie de la mobilité et des sociétés contemporaines. Editions Alphil Presses universitaires suisses. https://doi.org/10.33055/alphil.03112 

– Lefebvre, H., & Régulier, C. (1986). Essai de Rythmanalyse des villes méditérranéennes. Peuples Méditérranéens, 37. 

– Munch, E. (2017). Mais pourquoi arrivent-ils tous à la même heure ? Le paradoxe de l’heure de pointe et des horaires de travail flexibles. [Phdthesis, Université Paris Est]. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01699034 

– Pourtau, B. (2021). La construction de l’habiter périurbain par le prisme des usages du smartphone en situation de déplacement [Phdthesis, Université Paris-Est]. https://theses.hal.science/tel-03363896 

– Small, K. A. (1982). The Scheduling of Consumer Activities : Work Trips. The American Economic Review, 72(3), 467‑479.