Résumé de la thèse
Sous la direction de Pierre ZEMBRI (Professeur des universités, Université Gustave Eiffel)
Université Paris-Est, UMR-T LVMT (Laboratoire Ville, Mobilité, Transport)
Le transport ferroviaire de passagers aux Etats-Unis entre conflictualités institutionnelles, processus de territorialisation et ancrage métropolitain.
Objet de recherche
Cette recherche a pour objet le transport ferroviaire interurbain de passagers aux États-Unis dans une double acception : les services ferroviaires classiques d’Amtrak et les projets de grande vitesse ferroviaire. Le transport ferroviaire de passagers est d’abord un objet technique mais cette recherche le traite comme un objet géographique à part entière qui renvoie à des jeux d’échelles complexes – entre les échelles nationale, suprarégionale, régionale, métropolitaine et locale – et à des territorialités diverses – l’insertion de ce mode dans un corridor, son rôle dans les mobilités d’une région, l’inscription du réseau et des nœuds du réseau dans le tissu urbain. L’originalité de la recherche repose sur son approche multiscalaire avec un aller-retour continu entre les différentes échelles d’analyse et sur son ambition d’analyser la territorialisation des politiques en faveur du mode ferroviaire interurbain.
Terrains
La troisième partie de la thèse, s’intéressant à la territorialisation des politiques ferroviaires, est construite à partir de trois études de cas : la région de la baie de San Francisco, le corridor des Cascades et la région du sud-est et du centre de la Floride.
La première étude de cas est le corridor du Nord-Ouest qui s’inscrit dans la région des Cascades, s’étendant de Portland (Oregon) à Vancouver (Colombie-Britannique au Canada) en passant par Seattle (Washington). Il s’agit d’étudier un exemple de service ferroviaire exploité par Amtrak qui a bénéficié d’un programme d’investissements dans le cadre de l’ « Obamarail ». Cette étude de cas s’inscrit dans le contexte géographique d’une région en forte croissance soutenue d’abord par l’aire métropolitaine de Seattle et qui porte depuis longtemps des politiques avancées en matière de développement et de mobilités durables et en matière d’aménagement urbain qui favorisent la densification et la participation des citoyens dans la fabrique de la ville.
La deuxième étude de cas est la région de la baie de San Francisco allant de San Jose à San Francisco. Cette partie ouest de la baie est marquée par un maillage dense de transports régionaux (Caltrain, BART) et urbains dans lequel devrait s’inscrire la ligne à grande vitesse. La baie de San Francisco, soumise à une croissance urbaine et économique soutenue, est à l’heure actuelle l’une des régions métropolitaines les plus dynamiques des États-Unis, fortement marquée par la congestion autoroutière et l’augmentation des déplacements domicile-travail (en temps et en distance). La baie de San Francisco est également un territoire symbole des évolutions institutionnelles contemporaines étatsuniennes : éclatement institutionnel (qui touche aussi les autorités de transport dans ce cas), enchevêtrement des compétences, montée en puissance d’autorités intermédiaires (Metropolitan Transportation Commission par exemple).
La troisième étude de cas est le projet ferroviaire privé Brightline dans la région sud-est et centre de l’État de Floride. Il s’agit d’analyser un exemple de projet privé – par le financement, par le portage et par l’exploitation – qui tend à démontrer un réengagement du secteur privé dans le transport ferroviaire interurbain de passagers. Ce nouveau service Brightline à vitesse élevée s’appuie en grande partie sur une infrastructure existante. Il s’inscrit dans une région marquée par une domination écrasante de la voiture individuelle dans les déplacements pendulaires et dans les déplacements occasionnels, mais qui a rejeté à deux reprises l’implantation de la grande vitesse ferroviaire.
Problématique et hypothèses de recherche
Cette recherche, qui s’intéresse au renouvellement en cours des politiques concernant le transport ferroviaire de passagers, souhaite apporter des éléments de réponse à deux questionnements principaux. Le premier porte sur l’appropriation ou la réappropriation de ce mode par les acteurs du transport. Comment sont construites et mises en œuvre les politiques ferroviaires du gouvernement fédéral, des États fédérés et d’Amtrak ? De quelle manière sont considérés les enjeux politiques, économiques et territoriaux du transport ferroviaire replacés dans le contexte global des transports aux États-Unis ? Comment les divers acteurs appréhendent-ils les conflictualités institutionnelles, alimentées par des raisons budgétaires, législatives ou relevant des pratiques politiques, autour du train ? Le second porte sur l’ancrage territorial et sur le processus de territorialisation des politiques ferroviaires dans le contexte d’un État fédéral dans lequel les États fédérés et les acteurs locaux élaborent leurs propres pratiques et leurs propres modes d’action publique suivant des considérations politiques et économiques qui dépendent peu de contexte national. Quels sont les facteurs qui favorisent et contraignent l’émergence de nouvelles politiques ferroviaires ? Comment sont élaborées les articulations et la nécessaire coordination entre projet ferroviaire interurbain, réseaux de transports régionaux et urbains et politique de développement des transports collectifs ? De quelle manière les acteurs locaux et les opérateurs de transport considèrent-ils l’ancrage métropolitain des projets ferroviaires à travers les gares et les quartiers de gare ?
Plusieurs hypothèses principales guident cette recherche.
– La première hypothèse posée est celle de l’émergence d’une politique en faveur de la grande vitesse ferroviaire (GVF) portée par une coalescence d’acteurs publics et/ou privés et non par la définition d’un schéma national de développement de la grande vitesse ferroviaire.
– La seconde hypothèse retenue est celle d’un changement de paradigme politique qui contribue à l’émergence et à la mise en œuvre de politiques favorables au transport ferroviaire de passagers.
– La troisième hypothèse est celle de l’émergence d’une politique originale en faveur de la grande vitesse ferroviaire. L’implantation de la grande vitesse aux États-Unis se concrétise sur un schéma de développement qui se détourne du paradigme de la vitesse et de l’objectif traditionnel de construire un réseau à grande vitesse stricto sensu au détriment du réseau existant et des équilibres budgétaires et économiques. Cette politique originale, au-delà de l’hybridation des modalités techniques des corridors et de la cohabitation de services ferroviaires différents, repose également sur l’importante des stratégies régionalisées.
– La dernière hypothèse posée est que la conception de ce mode reposant sur un nombre restreint de corridors, l’intégration des réseaux et la mise en œuvre d’une politique intermodale, s’impose dans les politiques ferroviaires. La gare, symbolisant la dimension matérielle et territoriale du transport ferroviaire, fait l’objet d’un triple processus de réappropriation politique par le renouvellement du statut de la gare comme élément de la centralité métropolitaine, par la conception de la gare comme point de départ d’un projet de renouvellement urbain, et par le développement d’une meilleure coordination entre urbanisme et réseaux par le biais des quartiers de gare.
Méthodes et sources
La littérature grise constitue le principal matériau de recherche. Les documents institutionnels permettent de comprendre les objets d’étude, de caractériser le contenu des politiques et des projets étudiés et de cerner les objectifs et les logiques des différents acteurs. Cette thèse mobilise une variété très importante de documents émanant d’acteurs institutionnels, non-institutionnels et économiques. La nature de ces documents institutionnels est également diversifiée : études sur le transport ferroviaire interurbain, schémas d’aménagement, plans de programmation et de financement, rapports financiers, études de faisabilité, comptes-rendus de réunions ou de comités de pilotage, documents annexes liés aux processus de planification et aux opérations d’aménagement et d’urbanisme à l’échelle urbaine. Cette documentation institutionnelle est complétée par d’autres formats de communication venant de différents acteurs : sites internet, vidéos promotionnelles, communiqués et dossiers de presse, présentations lors de réunions ou de séminaires.
Les entretiens semi-directifs constituent la principale source d’information de première main de la thèse. Quarante entretiens semi-directifs – ou le cas échéant entretiens guidés par échange électronique – ont été conduits auprès d’acteurs à l’échelle fédérale, à l’échelle de trois États (Californie, Washington, Oregon), ainsi qu’à l’échelle locale (San Francisco, Seattle, Portland, Miami). Quelques entretiens ont été menés avec des acteurs privés impliqués dans les questions ferroviaires (Association of American Railroads, compagnies de fret).
Des informations et des données statistiques de contexte ont été rassemblées sur les services ferroviaires existants d’Amtrak et les projets ferroviaires pris en considération, ainsi que sur le contexte territorial des trois études de cas. Elles portent sur le contexte socio-démographique et économique d’une part, et sur les transports et les mobilités (infrastructures et services, répartition modale, fréquentation des transports régionaux et urbains, informations nécessaires à la comparaison modale sur l’offre, la fréquence et les tarifs) d’autre part. D’autres matériaux de recherche ont permis de compléter la méthodologie nécessaire à cette thèse : les observations de terrain, afin d’appréhender les contextes urbains locaux et de voir de près les projets en cours, notamment concernant les gares et les quartiers de gare, matérialisés par la prise de photographies dont certaines sont mobilisées pour appuyer l’analyse ; le rassemblement d’un corpus de plus de 700 articles de presse écrite pour comprendre ce que la presse diffuse comme représentations du train et des politiques ferroviaires ; le visionnage et l’analyse d’auditions parlementaires au Congrès – 29 personnalités auditionnées.
Résultats
Mes analyses ont confirmé la première hypothèse posée. Dans un contexte étatsunien de tensions et polémiques récurrentes sur la place et le rôle du gouvernement fédéral, la mise en place d’un schéma impulsé par l’État fédéral est compromise. L’émergence de projets privés de plus en plus nombreux reflète la situation actuelle du transport ferroviaire de passagers aux États-Unis, prise entre une émulation technologique, scientifique et politique et des obstacles financiers majeurs. Après un retournement important en 2009, marqué par le vote de plusieurs lois et la mise en œuvre d’un programme de financement inédit fondé sur une collaboration entre échelle fédérale et échelle fédérée, la politique ferroviaire de l’administration fédérale semble fonctionner au ralenti depuis 2011. L’initiative top-down de l’administration Obama a permis de faire évoluer la géographie ferroviaire étatsunienne mais trop modestement. Elle a permis de soutenir les projets de grande vitesse en Californie et dans le Nord-Est et de moderniser le réseau existant dans d’autres corridors (Cascades, Midwest, Californie), sans toutefois permettre d’avancer ou d’imposer une vision uniforme à l’échelle du pays. C’est donc par une coalescence d’acteurs et une coopération renforcée entre eux que les projets ferroviaires sont portés. L’analyse met en évidence le fait que s’impose une approche bottom-up pour le portage des projets, c’est le cas notamment pour le projet californien de LGV et la modernisation du corridor des Cascades. Cette logique est même poussée à l’extrême avec la multiplication des projets ferroviaires privés qui revendiquent leur indépendance par rapport à la puissance publique tant en termes de prise de décision que de gouvernance ou de financement. Cela semble éloigner définitivement toute tentative de définition d’un schéma national pour la grande vitesse ferroviaire, sur le modèle de ce qui s’est passé dans les pays historiques de la GVF, au-delà des considérations partisanes – c’est-à-dire de l’engagement traditionnellement plus fort du parti démocrate dans les grands investissements fédéraux.
L’analyse du changement de paradigme politique a d’abord été menée à l’échelle nationale et à l’échelle fédérée, en insistant sur les arguments et les logiques dans les documents stratégiques de planification, tant des transports que de l’aménagement urbain ou régional. La diffusion de cet argumentaire et de ces préconisations coïncide avec l’émergence d’un vaste mouvement pour développer les mobilités durables. Deux conclusions en ressortent : en premier lieu, une uniformisation de cet argumentaire et des préconisations pour encourager de nouvelles politiques ferroviaires (effets structurants, rôle économique de la grande vitesse, lutte contre la congestion, report modal) ; en second lieu, un engagement à toutes les échelles, tangible mais à divers degrés, des acteurs publics en faveur du mode ferroviaire. Ce changement de paradigme est toutefois limité par trois facteurs que nous avons identifiés suite à cette recherche :
– d’abord, une culture technique et administrative lacunaire concernant le mode ferroviaire – la grande vitesse ferroviaire étant une technologie encore novatrice aux États-Unis, cela complique la prise en compte par les acteurs institutionnels des enjeux relatifs à la GVF. Le symbole de cette culture lacunaire se retrouve à la fois dans l’élaboration du modèle économique de chaque projet (analyse du marché, répartition modale, analyse offre/demande, évolution de la fréquentation induite ou par report, etc.) et aussi dans la croyance encore forte dans les effets structurants d’une infrastructure de transport par l’ensemble des acteurs publics à toutes les échelles ;
– ensuite, il s’agit d’un facteur d’ordre institutionnel et politique. Depuis plusieurs décennies, les cadres d’action publique de l’État fédéral comme de nombreux États fédérés ont été façonnés par et pour le développement de la voiture individuelle et du système autoroutier (sources de financement pérennes et dédiées, soutien politique constant au mode autoroutier, interdiction législative voire constitutionnelle d’utiliser les financements existants pour autre chose que le secteur autoroutier, absence de programmes spécifiques et de financements fléchés et stables pour le transport ferroviaire interurbain de passagers, à l’échelle fédérale comme fédérée) ;
– enfin, une déconnexion forte entre les engagements politiques formels, présents à la fois dans la littérature grise et dans les discours, et la réalité des compétences de chaque acteur en matière de transport. En réalité les acteurs territoriaux – en premier lieu les MPO/RTPO, les comtés, les municipalités – n’ont que peu de prise réelle pour soutenir un projet ferroviaire de grande ampleur. Leur rôle se limite, en termes de compétences, à l’aménagement urbain lié aux gares et à la connexion des différents réseaux de transports à l’échelle de la ville ou de la région métropolitaine.
Mon travail de thèse permet d’étayer l’idée selon laquelle une autre stratégie de développement de la grande vitesse est en train de se construire aux États-Unis. L’analyse de ces projets de corridors à grande vitesse démontre que le paradigme de la vitesse n’est pas au centre des documents de planification – ce paradigme est remis en cause dans la littérature scientifique depuis plusieurs années. On parle en réalité d’abord d’amélioration et de modernisation de corridors existants pour permettre le lancement de services à vitesse élevée, ensuite de réseaux mixtes qui combinent différents types d’infrastructures. Trois constats ressortent de mes analyses :
– l’hybridation des modalités techniques d’implantation de services ferroviaires interurbains à grande vitesse – avec une cohabitation de fait de corridors à grande vitesse au sens de l’UIC, de corridors à vitesse élevée mixtes (partage de l’infrastructure entre public et privé) et des corridors privés sur lesquels l’opérateur national Amtrak n’intervient pas ;
– l’émergence d’une très forte sélectivité des territoires relativement à la construction de lignes à grande vitesse – un nombre très restreint de corridors régionaux ou suprarégionaux dispose d’une configuration géographique, urbaine et économique et adéquate ;
– le fait que s’imposent aux États-Unis des stratégies régionalisées pour la grande vitesse ferroviaire portées selon une logique bottom-up, tenant compte des spécificités locales.
La dernière hypothèse s’appuyait sur l’idée que le renouveau ferroviaire aux États-Unis reposait sur un accent spécifique mis sur l’ancrage métropolitain des corridors ferroviaires. En effet, les acteurs publics à toutes les échelles, avec des compétences dans le champ des transports et/ou de l’aménagement et de l’urbanisme, insistent sur la nécessité de connecter les réseaux à différentes échelles. La territorialisation des projets ferroviaires passe par la conception et la mise en œuvre de réseaux de transport davantage intégrés – au moins sur le plan de la desserte et de la connexion physique – selon une véritable logique réticulaire. Après analyse des projets de modernisation de corridors à vitesse élevée et de construction de nouvelles infrastructures, nous constatons l’importance des gares et une mise à l’agenda d’une meilleure coordination entre transports et urbanisme par le soutien aux quartiers de gare. En effet, un projet de corridor ferroviaire, qui se trouve au croisement d’intérêts politiques, économiques, techniques et territoriaux, est bien au centre d’un processus de territorialisation qui inscrit matériellement l’infrastructure dans les espaces urbains, et d’un processus de politisation par une mobilisation des acteurs locaux. Les projets ferroviaires apparaissent comme un instrument permettant l’implantation d’équipements à l’échelle métropolitaine (gares, pôles d’échanges multimodaux) et la structuration ou la reconfiguration du tissu urbain (quartiers de gare, projets plus vastes de renouvellement d’un quartier).
Apports
- Apports théoriques
Un apport principal au champ de la géographie des transports (compréhension des politiques ferroviaires aux États-Unis ; réflexions relatives aux corridors partagés et à la coordination entre trains de passagers et convois de fret ; débat sur les effets structurants des infrastructures de transports ; équilibres économiques et territoriaux de la grande vitesse ferroviaire) ;
Un apport aux champs de la géographie urbaine, de l’aménagement et de l’urbanisme (développement métropolitain ; émergence des mégarégions qui se structurent par les grands réseaux de transports ; débat sur la densification métropolitaine ; application des principes du transit-oriented development ; réappropriation de l’objet « gare » aux États-Unis comme nouvel élément de centralité dans la ville-centre ; réflexions relatives à la coordination entre transports et urbanisme ; débats autour de la ville durable) ;
Un apport au champ de la géographie régionale et en particulier des études américaines (rôle du gouvernement fédéral et des États fédérés ; rapport entre sphère publique et secteur privé ; conflits potentiels entre acteurs de différents échelons institutionnels ; émergence de nouvelles échelles de gouvernance relatives à la métropolisation et à la régionalisation).
- Le croisement des échelles et des études de cas
Le croisement des échelles et l’aller-retour constant entre elles ont été des partis pris essentiels de cette recherche. L’enjeu était de dépasser une opposition de principe entre analyse de la situation ferroviaire à l’échelle nationale et analyse séparée de chaque contexte local ou d’un ou plusieurs projets spécifiques. En croisant l’analyse de la constitution et de la mise en œuvre de trois projets ferroviaires emblématiques, leurs vecteurs de territorialisation à l’échelle régionale et locale et les grandes problématiques générales (touchant l’ensemble du territoire étatsunien) relatives à la politique ferroviaire et à l’implantation de la grande vitesse ferroviaire notamment, nous avons pu comprendre les logiques qui sous-tendent les nouveaux projets ferroviaires aux États-Unis ainsi que les enjeux propres à chaque échelle – dans un dialogue permanent pour en faire ressortir les différences et les similitudes. Le croisement des échelles d’analyse pour appréhender l’objet « transport ferroviaire interurbain de passagers », de l’échelle fédérale à l’échelle métropolitaine, permet de ne pas séparer la territorialisation des projets ferroviaires des grandes orientations politiques fédérales et fédérées, et de prendre en compte les articulations et les interrelations entre les différents échelons de gouvernance et de prise de décision. Travailler à partir d’un jeu d’échelles permanent tout au long de la thèse peut se révéler complexe, mais cela permet d’apprécier l’ensemble des logiques, des enjeux et des jeux d’acteurs relatifs au mode ferroviaire, surtout dans un pays marqué par une forte dévolution des compétences et une influence majeure des gouvernements locaux ainsi que par une fragmentation institutionnelle élevée tant en termes de périmètres que de compétences. Par ailleurs, ce croisement des échelles nous a permis de caractériser à la fois le niveau d’interpénétration des jeux d’acteurs autour de chaque projet et les disparités des logiques, des objectifs et des problématiques en jeu dans la mise en œuvre d’un projet et/ou d’une politique de transport ferroviaire.
- La compréhension de la situation ferroviaire américaine par ses jeux d’acteurs
Ma thèse offre un panorama de la situation du transport ferroviaire de passagers et dresse un état des lieux de l’implantation de la grande vitesse ferroviaire aux États-Unis. Ma recherche permet d’apporter une pierre dans la compréhension du monde anglo-américain. Madeleine Brocard identifiait en 2009 dans son ouvrage, Transports et territoires. Enjeux et débats (Ellipses), l’une des pistes de recherche à défricher, à savoir une meilleure compréhension des enjeux de transports et de mobilités des pays anglo-américains (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie). Ces quatre pays sont en retrait en termes de politique ferroviaire pour les voyageurs et significativement absents ou quasi-absents du mouvement mondial en faveur de la grande vitesse ferroviaire. J’apporte une étude détaillée du fonctionnement et de la construction des politiques ferroviaires à différentes échelles par l’analyse des acteurs, des institutions et des mécanismes d’action, ainsi que par la présentation des cadres de l’action publique dans ce domaine (compétences, production technique et institutionnelles, procédures, financements). L’élément principal qui traverse l’ensemble des échelles et des études de cas est que les cadres de l’action publique sont inadaptés pour le mode ferroviaire – surtout pour le lancement de nouveaux projets de grande envergure, notamment en ce qui concerne la GVF – et sont très majoritairement calibrés et orientés vers et pour la voiture individuelle.
- Les trois terrains de recherche : essai d’analyse comparée
Le choix d’une approche par trois études de cas a permis d’appréhender la manière dont l’enjeu ferroviaire est interprété, et territorialisé dans des contextes institutionnels et géographiques différents. Cette approche par la territorialisation permet de révéler le rôle du contexte politique, géographique, économique et en matière de transports – pas seulement ferroviaire – ainsi que les différences dans la manière dont s’élaborent et sont mises en œuvre les politiques ferroviaires. Le recours à plusieurs études de cas permet de mieux comprendre les spécificités des logiques à l’œuvre et la complexité de la problématique ferroviaire aux États-Unis. Il s’agit d’un pays fédéral, avec un gouvernement limité dans ses compétences, et d’un pays-continent d’une très grande diversité géographique, ce qui rend indispensable la prise en compte de contextes régionaux multiples pour mieux cerner les enjeux d’une question.
Cette recherche apporte des éléments de compréhension et d’analyse des enjeux ferroviaires de trois régions étatsuniennes, ainsi que des éléments de contexte institutionnel, géographique et socio-économique en particulier pour deux régions finalement peu abordées dans la littérature scientifique francophone – la région du Nord-Ouest (Seattle–Portland) dans le chapitre 6 et la région du centre et du sud-est de la Floride dans le chapitre 8 (Miami–Orlando). Le chapitre 7 complète des travaux déjà riches sur la Californie touchant des domaines variés. Enfin, cette recherche apporte une analyse de la question ferroviaire par le processus de territorialisation. J’ai fait le choix ne pas me contenter d’un travail sur les acteurs, les logiques, les financements des projets ferroviaires, qui pourrait comporter le risque d’une approche trop éloignée des territoires. Ce qui nous a conduit à prendre en compte l’inscription régionale des projets et des politiques ferroviaires, et l’ancrage métropolitain des lignes et/ou des projets notamment par l’analyse des stratégies de connexion des réseaux et de multimodalité, de la situation des transports publics urbains et métropolitains, et des gares et des quartiers de gare. Les gares, notamment les gares centrales et les pôles d’échanges multimodaux, peuvent dans certains cas servir de vitrine au développement et à la valorisation du transport ferroviaire de passagers.
Biographie, parcours
Mon CV académique (avec l’intégralité des publications et des communications scientifiques) est disponible par ce lien.
Depuis septembre 2024 : Maître de conférences, Sorbonne Université, laboratoire Médiations – Sciences des lieux, sciences des liens.
Qualification aux fonctions de Maître de Conférences – sections 23 et 24
Septembre 2023 : Maître de conférences contractuel, Cergy Paris Université, laboratoire MATRiCE.
Janvier 2021-Septembre 2023 : Post-doctorant, Chaire Logistics City (Université Gustave Eiffel/SOGARIS/PosteImmo), laboratoire SPLOTT / Chercheur associé au LVMT
Novembre 2019-Décembre 2020 : Post-doctorant, Chaire Aménager le Grand Paris (Ecole d’Urbanisme de Paris), Université Gustave Eiffel
Août 2019 – Octobre 2019 : Ingénieur de recherche, Chaire NAEM, LVMT
Septembre 2018 – Août 2019 : ATER de géographie, Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Octobre 2017 – Août 2018 : ATER de géographie, Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Octobre 2014 – Octobre 2017 : Allocataire-Moniteur en géographie (contrat doctoral UPE)
Docteur en Géographie et Aménagement-urbanisme au Laboratoire Ville Mobilité Transport (UMR-T 9403, Université Paris-Est), Ecole doctorale Ville Transport Territoire (ED 528)
Thèse de doctorat (2014-2019) sous la direction de Pierre Zembri (Université Paris-Est) : « Le transport ferroviaire de passagers aux Etats-Unis entre conflictualités institutionnelles, processus de territorialisation et ancrage métropolitain » – Thèse soutenue le 2 juillet 2019
FORMATION UNIVERSITAIRE
2012-2014 Master Recherche de géographie, Géoprisme-Science des Territoires, mention Bien, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Mémoire sous la direction d’Anne Bretagnolle (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et d’Hélène Harter (Rennes 2) : « Le projet de ligne à grande vitesse dans la région des Cascades : approche incrémentale, gouvernance, appropriation politique et culturelle » (mention Bien)
2010-2012 Master Recherche d’histoire, Mondes étrangers et Relations internationales, spécialité Etats-Unis, mention Très Bien, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Mémoire sous la direction d’Annick Foucrier (Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CRHNA) : « Travaux publics, pratiques politiques et transformation de l’espace urbain, Baltimore de 1872 à 1904 » (mention Très Bien)
2008-2010 Licence d’histoire, mention Bien, Université Paris I Panthéon-Sorbonne