Titre de la thèse: Territorialités et mobilités lesbiennes à l’heure du numérique. Une approche des reconfigurations situationnelles contemporaines par les marges.
Direction: Anne Jarrigeon (financement allocation doctorale Université Paris-Est).
Résumé de la thèse: Les travaux sur les sociabilités homosexuelles tendent à privilégier les pratiques spatiales gays polarisées dans les lieux festifs et commerciaux des grands centres urbains, contribuant à mettre en avant une relative invisibilité des lesbiennes. Soumises à des contraintes spécifiques, leurs rencontres se tiendraient dans des espaces plus éphémères, moins centraux mais également moins nombreux et plus imbriqués dans leurs sphères privées. Plutôt focalisée sur les ressources singulières que les lesbiennes construisent, mobilisent et mettent en oeuvre pour se créer un accès aux espaces, ma thèse porte sur les territorialités et mobilités lesbiennes contemporaines. J’interroge plus précisément le rôle du numérique dans la reconfiguration des espaces de sociabilités lesbiens et dans la transformation du rôle et des expériences de mobilité dans ces sociabilités.
Je fais l’hypothèse que l’usage du numérique (en particulier des réseaux dits « sociaux » et des applications de rencontres) par un public minoritaire ne correspond donc pas seulement à la fabrique d’un espace refuge séparé des espaces physiques collectifs soumis à des normes de genre et une injonction à l’hétérosexualité. Entremêlés aux pratiques spatiales ordinaires, il participerait de la configuration des territorialités et mobilités selon des modalités que je cherche à analyser. Une telle perspective vise notamment à contribuer à la compréhension de la multiplication et du caractère hybride des initiatives lesbiennes et queer observables dans et hors des centres urbains. Dans un contexte de développement des travaux en sciences humaines et sociales portant sur l’inégal accès aux espaces des minorités sexuelles et de genre et plus globalement de transformation des modes de visibilité des personnes marginalisées, mon travail questionne les effets des technologies de la communication sur les sociabilités urbaines et sur les formes matérielles que prennent ces configurations ou initiatives. Leur analyse invite à dépasser les acceptions duales qui sous-tendent les catégorisations classiques de l’espace: visible-invisible, privé-public, éphémère-durable, urbain-rural et à ne pas limiter l’analyse des territorialités lesbiennes aux seuls lieux urbains et facilement repérés.
En étudiant, depuis les marges, l’évolution des territorialités et des mobilités des personnes minorisées, le présent travail de thèse propose un autre regard sur les modes d’habiter contemporains, et, en miroir, sur les logiques d’exclusion à l’oeuvre dans la fabrique des espaces, questionnant ainsi les politiques urbaines françaises. A la croisée de plusieurs champs disciplinaires, ce travail de thèse qui revendique une approche féministe et queer, appelle la construction d’une démarche d’enquête originale. Sa spécificité est d’articuler la dimension ethnographique (sensible, réflexive et critique) in situ et en ligne ancrée dans l’anthropologie des mondes contemporains, avec une dimension d’analyse sémiotique visuelle.
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